Thème: métissage européen de l’Afrique : passé, présent et avenir.
L’Afrique est un continent semi-africain et semi-européen. L’Afrique antique, multimillénaire, est morte à Berlin, lors de la conférence de 1885 qui a mis fin à l’agonie du vieux continent africain et qui a créé les conditions pour la naissance de la nouvelle Afrique, celle d’aujourd’hui, âgée de cent trente et un ans (1885-2016). La conférence européenne de Berlin a été fécondatrice pour le nouveau continent africain, issu des entrailles de la colonisation européenne, grâce à l’accession des pays africains aux indépendances en 1960, au terme de septante-cinq ans de gestation par la colonisation. Cette réalité historique a fait de l’Afrique un continent aux langues, aux cultures et aux couleurs de l’Europe. L’Afrique, engendrée au terme de septante-cinq ans de colonisation européenne, est multiculturelle et européenne. Créés par la conférence européenne, les cinquante-quatre pays africains sont marqués par l’ADN de l’Europe, leur « tonton créateur » tout comme leur « marraine protectrice ». Tel est le double rôle que l’Europe assure envers l’Afrique depuis 1885.
Ce double rôle de l’Europe au bénéfice de l’Afrique est inscrit dans l’agenda européen établi par la conférence de Berlin en 1885. Cet agenda, qui se poursuivra à l’avenir, s’articule autour de trois chapitres en train de se réaliser depuis cent trente et un ans. Actuellement en cours, ces trois volets de l’Europe pour l’Afrique méritent d’être rappelés à ceux qui les oublient :
1. Le volet de la libération de l’Afrique de l’esclavagisme qui a ravagé le continent africain pendant des siècles et sous trois formes :
a. L’esclavagisme africain traditionnel depuis des millénaires ;
b. L’esclavagisme arabo-musulman depuis le VIIème siècle, pendant treize siècles ;
c. L’esclavagisme euro-américain du XVème au XIXème siècle, pendant quatre siècles.
L’Europe colonisatrice a éradiqué ce triple esclavagisme que l’Afrique subissait depuis longtemps. Dans la vie, comme dans la nature, tout a un prix. En ce qui concerne la libération de l’Afrique du fléau de l’esclavagisme, la colonisation européenne a été une épreuve et un prix inévitables pour libérer l’Afrique. Bien sûr, à ce sujet, tout le monde s’indigne et l’Europe a honte d’elle-même. Pourtant, sans ce prix, l’Afrique ne serait pas un continent indépendant. Il n’y avait aucune autre voie pour sortir le continent de cette grave tragédie. Le prix de la colonisation s’est imposé comme une épreuve pour le salut de l’Afrique. L’accession aux indépendances a été le fruit de l’épreuve de colonisation.
2. Le volet de la civilisation de l’Afrique. La conférence européenne de Berlin sur l’Afrique en 1885 a créé, en rassemblant des mille milliers d’ethnies africaines en une demi-centaine de communautés, une cinquantaine de pays modernisables, à l’image des pays européens recréés septante ans auparavant par le Congrès européen de Vienne en 1815. Ainsi, l’Europe, en 1885, a mis fin à la vieille Afrique dont le progrès et le mode de vie s’étaient arrêtés trois mille ans avant, à l’âge de fer, voire à l’âge de la pierre, pour certaines populations africaines. Par décision politique, les leçons du passé ont été tirées pour réinventer et projeter l’Afrique dans la contemporanéité et vers l’avenir. Issue de la colonisation européenne, l’Afrique nouvelle renaît par l’accession aux indépendances, au statut d’états souverains, à la qualité de nations multiculturelles et par l’adhésion à l’Organisation des Nations Unies, devenant ainsi membres de la communauté internationale. Ainsi, l’Afrique morte à Berlin en 1885 ressuscite en 1960.
En cours depuis cinquante-six ans (1960-2016), la Renaissance africaine suit les codes et les couleurs de la Renaissance européenne du XVème siècle dont l’Afrique est l’héritière. Par conséquent, le continent africain, indépendant depuis bientôt six décennies (1960-2020), jouit de la multiculturalité européenne sous l’articulation de la francophonie, l’anglophonie, la lusophonie, etc.
À cause de la colonisation et de la civilisation européennes, les pays africains sont francophones, anglophones, lusophones et hispanophones. Ils sont classifiables en sept catégories de semi-africanité et semi-européanité :
a. Les pays, états et nations africains arabo-méditerranéens anglophones ;
b. Les pays, états et nations africains arabo-méditerranéens francophones ;
c. Les pays, états et nations africains, subsahariens anglophones ;
d. Les pays, états et nations africains subsahariens francophones ;
e. Les pays, états et nations africains subsahariens lusophones ;
f. Les pays, états et nations africains hispanophones ;
g. Les pays, états et nations africains subsahariens anglophones swahiliphones.
Tous ces cinquante-quatre pays, états et nations d’Afrique viennent d’une multiculturalité fécondée par la colonisation et la civilisation de l’Europe. Ainsi, l’Afrique, inventée et réinventée par l’Europe, est le continent le plus mondialisé, sous le couvert de fille adoptive de l’Europe, voisine et coloniale. Tout le monde s’en indigne et l’Europe en a honte. Cependant, telle est la réalité historique : l’Afrique nouvelle est la fille de l’Europe.
3. Le volet de la transformation de l’Afrique en marché de consommation. Ce volet constitue le troisième chapitre de l’agenda européen de la conférence de Berlin de 1885 pour l’avenir de l’Afrique. Dans son ouvrage publié en octobre 2003, l’auteur de la question « Pourquoi l’Afrique meurt ? », monsieur Stephen Smith, en vient à observer que « l’Afrique est un continent au présent sans avenir ». Cette observation fait partie du mur de l’afro-pessimisme dans lequel le continent africain est coincé depuis l’avènement de la chute du mur de Berlin, en 1989 ; chute dont le vent ravageur a poussé le continent africain dans la tragédie des absurdes autodestruction, auto-déshumanisation, auto-colonisation, guerres, conflits et violences, tous des malheurs déchaînés en Afrique et dont les Africains ont été victimes tout au long des années 1990 à 2016.
Ainsi, au cours du dernier quart de siècle (1990-2016), dans le mur des convulsions d’autodestruction et d’auto-déshumanisation, dans le mur des guerres et massacres des populations africaines, dans le mur des conflits armés et des génocides, et de bien d’autres drames, le continent africain est en train de sombrer. Cela a amené l’observateur américain William Pfaff à affirmer, dans son article publié par l’hebdomadaire franco-africain « Jeune Afrique » du 5 octobre 1994, que « seule l’Europe peut sauver l’Afrique ». Ce sauvetage avait été prévu par la conférence européenne de Berlin de 1885, au titre de l’agenda pour l’Afrique en trois volets qui tracent le destin du continent voué à devenir un marché de commerce et de consommation. Le projet de faire de l’Afrique le marché de consommation est en cours de mise en perspective en ce XXIème siècle. Cette perspective est en train de démarrer. En effet, le développement du continent africain s’inscrit dans le devenir d’un marché de consommation par la voie d’importation des produits manufacturés en Occident et en Orient ; produits proposés, voire imposés, à l’Afrique par des techniques de marketing des multinationales occidentales et orientales et leurs filiales africaines.
L’avenir du développement de l’Afrique, fondé sur le commerce et la consommation des produits du capitalisme mondial, est en démarrage pour ce XXIème siècle et les siècles à venir. Il s’agit là du processus de recolonisation et de mondialisation, mis en œuvre par des multinationales du capitalisme. Dans cette perspective, s’inscrit la conquête du marché d’Afrique qui revêt l’importance de compter plus de 1,2 milliards de consommateurs potentiels aujourd’hui, qui seront 2 milliards de consommateurs en 2050.
rukira Isidore Jean Baptiste
Éditorialiste Afrique