Thème : leadership panafricains du passé et le défi de l’Afrique d’aujourd’hui.
« L’Afrique doit s’unir ». Voilà une résolution qui fait de l’unité africaine un impératif que les Africains se doivent de réaliser. Cependant, au cours des six décennies postérieures à la prise de cette résolution, des questions se sont posées : l’Afrique veut-elle s’unir ? De quelle manière l’Afrique le veut-elle ? L’Afrique le peut-elle ? Comment le peut-elle ? Pourquoi ? Pour qui ? Quand ?
Dans ces circonstances, ainsi qu’en beaucoup d’autres occasions, lorsque l’Afrique est mentionnée, il s’agit d’une référence à l’une des Afriques. En effet, d’une part se trouve l’Afrique des dirigeants africains et des élites africaines, qui est de l’ordre d’un quart des peuples africains. D’autre part, l’Afrique des masses des populations africaines, qui rassemblent les trois-quarts des peuples africains, se rencontre.
Aujourd’hui, sur l’ensemble des 1,2 milliards d’Africains et d’Africaines, l’Afrique des dirigeants et des élites se compose d’environ 300 millions de personnes, tandis que la masse des populations africaines compte à peu près 900 millions de personnes engluées dans la pauvreté et dans la misère. Ces populations de masse sont ignorées, mais aussi exclues des débats et, notamment, du débat sur l’unité africaine. Jusqu’à présent, l’idée, le rêve et le projet de l’unité africaine ne sont qu’une affaire des classes dirigeantes et des élites africaines. Et, même parmi celles-ci, cette aspiration n’intéresse que l’un ou l’autre leader.
En 1958, le panafricanisme et l’unité africaine avaient pour leader intéressé le panafricaniste Kwame Nkrumah, premier chef d’État du Ghana, pays récemment indépendant à l’époque (le 6 mars 1957). En 1963, la création de l’Organisation de l’unité africaine (O.U.A.) a été l’initiative de l’empereur d’Éthiopie, Haïlé Sélassié Ier, dans le sillage de l’initiative de Kwame Nkrumah, parrain du VIIIème congrès du panafricanisme, dont le fruit a été ladite résolution de « l’Afrique doit s’unir », en 1958.
Quatre décennies plus tard, ce fut le tour du leadership du chef d’État de la Libye, Mouammar Kadhafi, de relever le défi du sauvetage l’O.U.A. alors en faillite et mise en péril par la prise en charge de la création de l’actuelle Union africaine, dont l’objectif était de la remplacer.
Pour l’organisation de la quatrième étape de la marche du continent africain vers l’unité africaine, l’Union africaine se voit proposer de relever le défi du leadership pour la mise en œuvre du projet de la réalisation du VIIIème congrès du panafricanisme en 2018, à Addis-Abeba, en Éthiopie, et, ce, soixante ans (1958-2018) après la tenue du VIIème congrès du panafricanisme à Accra, au Ghana, en 1958. À cette occasion, il y aura lieu d’évaluer si l’Afrique veut et peut s’unir. En effet, d’aucuns doutent de la volonté et de la capacité de l’Afrique, de ses dirigeants et de ses élites africaines, d’aspirer à l’avenir de l’unité africaine. Exclues de ce débat, les populations africaines ignorent ce projet d’unité africaine. Ceci explique lesdites questions : l’unité africaine, mais pour qui ? Pourquoi ? Comment ? Quand ? Les dirigeants africains s’en moquent !
En réalité, le projet de « l’Afrique doit s’unir » est en danger. La proposition de tenir le VIIIème congrès du panafricanisme serait un filet de sauvetage pour ce projet. Rappelons que le VIIIème congrès du panafricanisme concernera l’avenir et le destin de toutes les populations africaines, soit 3 milliards d’Africains et d’Africaines au sein des 9 à 10 milliards d’habitants et habitantes de la planète, dans moins de trente-cinq ans, à l’horizon de l’année 2050.
L’union africaine acceptera-elle d’assumer ce rôle et cette responsabilité importante ? Qui financera ce projet ? L’Union européenne ou la Chine ?
rukira Isidore Jean Baptiste
Éditorialiste Afrique