L’Afrique dans le processus d’unité initié depuis l’époque de la mythologie grecque et qui se poursuit par le fait de l’Europe.

Thème: de l’origine de l’Afrique et son histoire (esclavagisme, colonisation et indépendance). Les intérêts européens, occidentaux et capitalistes pour le continent africain.

Tout être vivant est reconnu dans son unité et dans son intégralité par l’attribution du nom qui l’identifie. Il en est également ainsi pour les continents, identifiés par les noms que nous leur avons attribués. Tel a été le cas de l’Afrique, dont le nom tient son origine de la mythologie grecque et se compose de deux mots grecs familiers : afros oikos qui signifient « maison de l’amour et de l’amitié ». L’expression afros oikos engendra le nom « Afrique ». Les Grecs attribuèrent ce nom au continent du sud de la Méditerranée en raison du vent de fraîcheur qui soufflait, en été, des terres émergées de l’au-delà de la mer méditerranéenne et qui favorisait les terres de l’Europe (nom grec attribué au continent du nord de la Méditerranée), ainsi que les relations d’amour et d’amitié entre les humains en été.

Lors de la Grèce antique, les Grecs croyaient que l’afros oikos, l’Afrique, était la patrie d’Aphrodite, la déesse mythologique grecque de l’amour et de l’amitié. Étymologiquement, le nom afros oikos, Afrique, appartient à la famille des mots d’origine grecque universellement connus et d’usage courant, tels que demos kratos, générateur de « démocratie », theos kratos, générateur de « théocratie », polis oikos générateur de « politique », panos afros oikos générateur de « panafrique », qui donna le mot « panafricanisme », et ethios ops générateur d’« Éthiopie ». Ainsi, il en va de même pour afros oikos, « Afrique ». Le nom « Afrique », qui identifie le continent africain, est un fait de l’Europe.

Il est dit des peuples et des sociétés humaines qu’ils se réinventent. En ce qui concerne l’Afrique, nous observons que cette notion se limite dans le fait que l’Afrique a été réinventée par l’Europe à deux reprises :

  1. Depuis l’Antiquité jusqu’à la Renaissance européenne, le continent africain était identifié en deux parties : la partie nord, jusqu’au fleuve Niger, s’appelait « Afrique », tandis que la partie au-delà du fleuve Niger s’appelait « Éthiopie ». Au XVème siècle, en pleine Renaissance de l’Europe, les navigateurs portugais ont entrepris de contourner l’Afrique pour explorer la voie maritime afin de relier l’Europe à l’Asie. Ils voulaient trouver un moyen de remplacement à la route terrestre de la soie qui, jusqu’alors, était le seul moyen de relier les deux continents entre eux. Au terme de cette exploration réussie, le nom « Afrique » a été attribué à l’ensemble du continent, et le nom « Éthiopie » est resté d’application à l’Empire d’Abyssinie qui, aujourd’hui, est réparti en deux pays de la corne de l’Afrique, l’Éthiopie et l’Érythrée. Dès lors, le nom « Afrique » couvre l’ensemble du continent et marque l’unité géographique et identitaire du continent. Il s’agit d’une réinvention de l’Europe.
  2. Le continent africain organise un chaos de mille milliers de pays et états premiers qui étaient, jusqu’à la fin XIXème siècle, piégés dans le passage à l’âge de fer, voire à l’âge de pierre. Dans cette condition, le continent était prisonnier du passage millénaire et du triple crime d’esclavagisme qu’il subissait depuis des siècles, c’est-à-dire l’esclavagisme africain devenu tradition africaine, l’esclavagisme arabo-musulman depuis l’avènement de la religion de l’islam au VIIème siècle, et l’esclavagisme euro-afro-américain consistant en l’achat et en la vente des forces vives africaines, dans le crime de commerce triangulaire transatlantique  entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques au profit des continents européen et américain, pour les malheurs du continent africain. Après l’abolition de l’esclavage transatlantique au XIXème siècle, il a fallu trouver la voie d’application de cette abolition en Afrique. Au terme de trois mois de négociations menées de novembre 1884 à février 1885, la conférence diplomatique européenne, convoquée à Berlin en 1885, a décidé de mettre en œuvre un programme européen articulé en trois volets :
  3. Libérer l’Afrique des trois esclavagismes qui la ravageaient depuis des siècles, voire depuis des millénaires. Ce fut une mission accomplie : les trois esclavagismes ont été éradiqués en Afrique au nom de l’abolition de l’esclavagisme d’Occident ;
  4. Civiliser l’Afrique à l’européenne : la conférence diplomatique européenne de Berlin a redessiné l’Afrique en rassemblant des milliers d’ethnies en une demi-centaine de pays africains créés à l’image des pays européens, eux-mêmes engendrés par le Congrès de Vienne septante ans auparavant, en 1815. Ce fut l’accomplissement de la deuxième mission de cette conférence qui a mis fin à l’Afrique trop vétuste, répondant au nom d’Afrique précoloniale. Ce fut également la deuxième réinvention du continent africain, une nouvelle fois recréé par l’Europe suite à la réinvention de l’Afrique entreprise par la conférence.

Il s’agit de cette phase de réinvention de l’Afrique par l’Europe qui est en cours depuis cent trente et un ans (1885-2016), au travers de l’accompagnement des pays africains par l’Europe via la voie de la colonisation européenne de 1885 à 1960, mais aussi au travers de l’accession des pays africains aux indépendances, au statut d’états souverains et de nations africaines multiculturelles.

La colonisation européenne a été une sorte de four de cuisson par lequel les pays créés par la conférence diplomatique européenne ont été mis à l’épreuve de la consolidation, de leur capacité à devenir de nouveaux êtres vivants dans le monde de la modernité propulsée par l’Europe et par l’Occident sur l’ensemble de la planète. Ces pays devaient se moderniser. Cela advint par leur accession aux indépendances, signifiant l’accession à la voie de la modernité et de la renaissance. L’Afrique précoloniale a été rejetée dans la poubelle de l’Histoire. L’Afrique coloniale a été le Moyen Âge du continent africain. L’Afrique des indépendances est confrontée aux défis de la modernité et de la renaissance, défis comprenant ceux de la paix, de l’unité africaine et du développement panafricain.

  1. S’agissant de la paix, de l’unité et du développement, l’Europe, l’Occident et le capitalisme s’en chargeront en faisant de l’Afrique le marché de consommation dans le contexte de la civilisation des apparences animée par la machine de la publicité commerciale et autres atouts de marketing au service de l’économie du marché aux couleurs africaines. Le processus a déjà commencé par des tests de mise en pratique partout en Afrique. L’exemple le plus éloquent de la création d’un marché de consommation concluant est la création, partout en Afrique, des fêtes des miss Afrique. Dans la perspective de faire de l’Afrique un vaste marché des produits de consommation mondialisés, les multinationales de la beauté, des cosmétiques, de la mode, des boissons, des nouvelles technologies de communication, etc. sont à l’assaut des pays et des populations africaines. L’objectif de chacune de ces multinationales est de tailler des parts du marché pour ses produits. L’Afrique est le vaste marché de consommation, convoité par tous les pays, ainsi que par toutes les puissances riches et émergentes. Le continent africain est le réservoir de plus de 2 milliards de consommateurs à conquérir. Les conquêtes sont d’ores et déjà en cours. Tous les pays industrialisés et émergents sont à l’assaut de l’Afrique.

Le développement économique et commercial du continent africain correspond au troisième volet du programme établi par la conférence diplomatique européenne de Berlin qui, en 1885, a réorganisé l’Afrique par la création des pays africains modernisables et rentabilisables.

L’Europe, l’Occident et le capitalisme poursuivent la mise en œuvre du programme conçu par la conférence de Berlin pour l’avenir de l’Afrique. À ce sujet, rappelons le dicton formulé par l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny : « qui aura l’Afrique dominera le monde ». L’Europe, l’Occident et le capitalisme n’ont jamais abandonné l’Afrique. Ils l’ont entre leurs mains, mais par un autre moyen que la colonisation. D’ailleurs, les Européens de l’ancienne époque coloniale ne disent jamais de l’Afrique qu’elle est indépendante ; ils disent plutôt qu’elle est « décolonisée ». La notion de décolonisation fait référence à l’esprit de réforme du système colonial qui consiste à retirer les Européens expatriés et employés dans les colonies en vue de le remplacer par du personnel local et de réaliser l’avantage de la rentabilisation des anciennes colonies. En clair, la notion de décolonisation est la négation de l’indépendance. D’où la notion que les indépendances ont été octroyées en guise de cadeaux ! Les cadeaux entre continents et entre états sont dans une logique de « donnant-donnant ».

Dans son édition d’avril-juin 2016, une récente publication trimestrielle titrée « Le bienvenu » a publié un article consacré aux déséquilibres mondiaux dont sont responsables les Occidentaux et le capitalisme. Dans cet article consacré à l’actualité des grands flux de migrations clandestines d’Africains à l’assaut de l’Europe, il est affirmé que les Occidentaux et les multinationales européennes et occidentales sont les seuls acteurs capables de ramener et de consolider la paix et le développement dans le continent africain. Il est donc laissé entendre que seuls les Européens, les Occidentaux et leurs multinationales sont les seuls opérateurs de la paix et du développement de l’Afrique. Cette opinion ne fait que confirmer celle exposée il y a déjà vingt-deux ans dans l’hebdomadaire « Jeune Afrique », dans son édition du 05 octobre 1994, consistant, sous la plume du journaliste américain William Pfaff, en une affirmation : « seule l’Europe peut sauver l’Afrique ». Dans cet article de 1994, l’américain William Pfaff invite l’Union européenne à tirer hors du naufrage le continent africain en perdition et à le remorquer pendant cinquante ans, voire pendant un siècle. S’agissant de l’Occident portant secours de l’Afrique, la journaliste belge Colette Braeckman, dans l’article intitulé « Les pays riches au chevet du continent noir » et publié dans le quotidien belge « Le Soir » du 26 juin 2002, lance un appel aux pays du G8 qui s’apprêtaient à tenir leur sommet au Canada avec, à l’agenda, l’Afrique. En conclusion à son fervent plaidoyer pour le secours et assistance en faveur de l’Afrique, Braeckman souligne : « dans ce monde fini, balisé, le continent africain est le dernier défi, la dernière frontière ». Pour sa part, le capitalisme a compris son intérêt à faire du continent africain un vaste marché de consommation, ainsi que son intérêt à saisir les mille opportunités qui s’offrent à lui pour faire de l’Afrique un vaste champ d’investissements dans des domaines économiques très diversifiés, comme les infrastructures, les villes africaines, les mobilités urbaines, les transports, les constructions de ports, les aéroports, les routes, les voies ferroviaires, les équipements, le développement des communications et des énergies, etc.

Le continent africain est un vaste marché et un champ d’investissements énormes. L’Afrique des deux à trois prochaines décennies est une aubaine pour le capitalisme. Le continent réinventé par l’Europe de la fin XIXème siècle est en gestion par et sous l’agenda européen de Berlin, depuis 1885. Le troisième volet de l’agenda européen, conçu par la conférence européenne de Berlin pour l’Afrique, les pays et les états africains depuis la fin du XIXème jusqu’au XXIème siècle et au-delà, est en voie de mise en application par la promotion de l’Afrique au rang de vaste marché de consommation et de vaste champ d’investissements à l’appui du marché africain de ce XXIème siècle.

 

rukira Isidore Jean Baptiste

Éditorialiste Afrique

Le 19.07.2016

 

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